Facebook, quelques notes sur la suite
Les nouvelles se suivent et s’enchainent suite aux révélations du Guardian, de l’Observer et de la chaîne Channel 4 News au sujet de Cambridge Analytica. Le sujet m’intéresse donc je continue de suivre ça, je vais tenter d’en détacher plusieurs courants.
Cet article est plutôt à lire comme un recueil de notes personnelles sur le sujet : je conseille la lecture de mon premier article pour le contexte (ou sa version courte pour un contexte plus rapide).
Ce texte a été mis à jour :
- le 27 mars dans la matinée (lien)
- annonce que la Federal Trade Commission (organisme gouvernemental en charge du commerce) lance une enquête sur Facebook et sa politique de gestion des données
- baisse de l’action FBCK de 190$ à 160$
- enquête sur la collaboration de Facebook avec l’ICE (force de police des douanes et de l’immigration, en charge de la traque et l’arrestation des résidents sans papiers)
- le 28 mars (lien)
- Le lanceur d’alertes dans l’affaire Cambridge Analytica, Christopher Wylie, raconte plusieurs choses au parlement anglais : un de ces prédécesseurs aurait été empoisonné au Kenya après qu’une affaire se soit mal passée, l’entreprise de renseignement Palantir (dirigée par Peter Thiel, que je mentionnais dans mon précédent article), a travaillé avec Cambridge Analytica pour élaborer des stratégies.
- De plus en plus d’appels à réguler les GAFAM se font entendre
- Les sondages montrent que Facebook perd la confiance de ses utilisateurs, plus que tout autre réseau social
- Firefox propose une extension pour limiter le partage de nos données
- Au moment où Mark Zuckerberg annonce qu’il refusera l’invitation du Parlement britannique, CNN annonce qu’il participera à l’enquête du Congrès américain
- Facebook est poursuivi en justice pour facilitation de discriminations contre des minorités, des familles monoparentales et des personnes handicapées
- le 4 avril
- Bizarrement, il est très dur de voler les ordures de Mark Zuckerberg : The Outline : It’s weirdly hard to steal Mark Zuckerberg’s trash
- Un bon récap’ chez NextINpact : Facebook et la vie privée : le jour d’après
- CALmatters : Facebook—even as it apologizes for scandal—funds campaign to block a California data-privacy measure
- BFM Business : Facebook accuse une perte faramineuse en Bourse
- Gizmodo Facebook Blames a ‘Bug’ for Not Deleting Your Seemingly Deleted Videos
- Facebook s’engage à ne plus travailler avec des data brokers :
- @WolfieChristl : “1/ So, Facebook itself will stop sorting+classifying users also based on extensive info from third-party data brokers such as Acxiom, Oracle, Experian and Epsilon. Great, because it shows that they cannot do whatever they want anymore. But. [thread] “
- JuliaAngwin : “ICYMI Facebook’s announcement that it is shutting down relationships with data brokers is a big deal. /1”
- @dareobasanjo : Facebook Makes First Real Move to Curtail Abusive Ad Targeting on their Platform
- Les annonces de Facebook sont à prendre avec du recul :
- Facebook essaye d’effacer le fait qu’ils connaissaient leurs manquements depuis longtemps
- The Verge : In a leaked memo, Facebook executive describes the consequences of its growth-at-all-costs mentality
- The Verge : Here are the internal Facebook posts of employees discussing today’s leaked memo
- The Daily Dot : Facebook VP’s Comments On Data Collection In 2016, Deletes Memo
- @JoshConstine : “My deep dive into Facebook’s morale problem epitomized by the leaks to @RMac18 & @CaseyNewton”
- Gizmodo : Report: Facebook Staff Suddenly Concerned About Privacy, Specifically Theirs
- Fortune : Facebook Employees Reportedly Deleting Controversial Internal Messages
- BuzzFeed : Top Facebook Executive Defended Data Collection In 2016 Memo — And Warned That Facebook Could Get People Killed
- La presse a beaucoup de travail à faire :
- Comment gérer ses données Facebook :
- Les Décodeurs : Cookies, mouchards : comment vous êtes suivis sur Internet
- Electronic Frontier Foundation : How To Change Your Facebook Settings To Opt Out of Platform API Sharing
- WIRED : How to Download Your Facebook Data and What to Look for in It
- Vice Motherboard : Don’t Just Delete Facebook, Poison Your Data First
- Analyses :
- « Par ailleurs, il a été démontré que les individus ont généralement une préférence pour le gain immédiat en comparaison d’un risque futur. En fait, on n’agit pas du tout de manière paradoxale, on agit de manière rationnelle eu égard aux informations dont on dispose. » Rue89 : Caroline Lancelot Miltgen, Pouvoir se déconnecter de Facebook est un privilège, voire un luxe
- Le Point : Tristan Nitot : Facebook a « laissé faire » Cambridge Analytica
- The Conversation : Pourquoi il est si difficile de quitter Facebook
- The Guardian : The missing link: why disabled people can’t afford to #DeleteFacebook
- Channel NewsAsia : Commentary: Hooked and unable to pull the plug on Facebook? We’ve been there
- The New York Times : Can Social Media Be Saved?
- Rolling Stone : Taibbi on Facebook: Can We Be Saved From the Social Media Giant?
- D’autres retombées :
- Richard Stallman, la légende du Logiciel Libre, conseille de ne plus récupérer d’informations : « the only safe database is the one that was never collected » The Guardian : Richard Stallman : A radical proposal to keep your personal data safe
- The Independent : Billion-dollar Facebook investor tells Mark Zuckerberg to quit as chairman
- Facebook annonce qu’ils ne vont pas respecter le RGPD dans le monde entier @Cennydd : “I just wrote in my data ethics chapter there’ll be two types of data companies: 1. those who extend GDPR protections globally 2. those who bifurcate codebases and policies because their business relies on data overreach & lax regulation. We just got FB’s answer.”
- @Calimaq : “”Mark Zuckerberg parle de créer une structure qui serait inspirée de la Cour Suprême des Etats-Unis pour dire en quelque sorte la loi sur Facebook.” https://t.co/lsxQSBTAd1 Consolidation de la justice privée et nouveau de l’évolution des plateformes vers des quasi-Etats…”
- La technologie :
- Une dernière fois le 10 mars
- De nouvelles compagnies se font chasser de Facebook
- De nouvelles révélations sur Facebook
- @BigPictureCL : “Avant l’audition de #Zuckerberg au Congrès le 11/4, #Facebook continue les aveux: ce ne sont plus 50 millions mais 87 millions de personnes dont les infos personnelles ont été mises à disposition de la firme de données politiques pro-Trump”
- CNBC Facebook: most people could have had their public profile scraped
- The Washington Post : Facebook: ‘Malicious actors’ used its tools to discover identities and collect data on a massive global scale
- @BoingBoing : “Facebook kept copies of videos you deleted … or never even posted publicly. https://t.co/IkiUkFPi1r… “
- @PierreBeyssac : “La majorité (voire la quasi totalité) des quizz sur Facebook ont pour finalité principale de collecter des données. Toute la plateforme FB est conçue pour ça.… https://t.co/qz6qNhcy6h”
- Les nouvelles réponses de Facebook son toujours aussi peu pertinentes, mais le Zuck va devoir affronter le Congrès, c’est pas rien
- @AntonioCasilli : “”Je ne lis pas tes messages, je les scanne à des fins de conformité aux lois. Je ne vends pas tes données, je monétise ton ciblage publicitaire.” Le modèle de storytelling de FB est basé sur la redéfinition de verbes associés à des actions qu’il est accusé d’avoir commises.… https://t.co/ajdj2GLqqj”
- The Guardian : News of Facebook’s secret tool to delete executive messages caps days of chaos
- WIRED : Why Mark Zuckerberg’s 14-Year Apology Tour Hasn’t Fixed Facebook
- The Daily Dot : Facebook Would Charge Users if it Stopped Collecting Data, Exec Says
- @pdwn : ““We don’t have an opt-out at the highest level. That would be a paid product,” I think this would be incompatible with #GDPR which Facebook pledged to implement.… “
- CNBC : Social media users treated as ‘experimental rats’: EU data watchdog
- American Civil Liberties Union : 8 Questions Members of Congress Should Ask Mark Zuckerberg
- Gizmodo : Here’s a Bingo Card to Play While Mark Zuckerberg Spews Bullshit on Capitol Hill
- USA Today : Facebook’s Mark Zuckerberg to testify before House and Senate panels that got Facebook money
- @chrisinsilico : “Just did NBC’s @MeetThePress. Asked why Mark Zuckerberg keeps declining @DamianCollins request to testify at the UK Parliament when it’s his committee that has done the most work on the issue. CA is based in UK. Zuckerberg treat the British investigation more seriously.”
- World Economic Forum : Mark Zuckerberg says the world is much more divided than he ever expected
- Business Insider : How Mark Zuckerberg Hacked The Harvard Crimson
- Des avancées arrivent à temps en matière de protection de la vie privée
- @AnnCavoukian : “It willl end up becoming #GDPRforAll because everyone wants to engage in trade with the E.U. Canada is already trying to upgrade its federal privacy law, to achieve essential equivalence with the GDPR. THE U.S. is going the route of the Privacy Shield.… “
- @Claude_Moraes : “Because the EU will soon have the highest privacy standards in the world with GDPR & now everyone knows why. Zuckerberg: Facebook will apply EU data privacy standards globally “
- Baekdal Plus : Publishers Haven’t Realized Just How Big a Deal GDPR is
- @Bastamag : “Données partagées sur Facebook, pistage via des cookies ou grâce à la géolocalisation de votre smartphone…Un nouveau texte sur la protection de ces données intimes est en discussion à Bruxelles et soumis à un intense lobbying des géants du Net.… “
- @JuliaAngwin : “These days, the only bipartisan agreement in Washington seems to be hating Facebook. Could federal regulation be up next? I interviewed a bunch of experts and compiled four of the most promising reform proposals that address Facebook’s recent missteps”
- On réfléchit et on s’organise : des alternatives sont pensées, des moyens d’éviter le tracking se répandent
- S.I.Lex : Richard Stallman, le RGPD et les deux faces du consentement
- Mediapart Facebook, emblème du «capitalisme de surveillance»
- Le Monde - « Facebook n’a jamais essayé de donner à ses utilisateurs un réel contrôle de leurs données »
- The New York Times : Don’t Fix Facebook. Replace It.
- Boing Boing Facebook is unfixable. We need a nonprofit, public-spirited replacement.
- VICE News : Cambridge Analytica whistleblower says #deleteFacebook is not the answer
- The Guardian : The missing link: why disabled people can’t afford to #DeleteFacebook
- Electronic Frontier Foundation : To #DeleteFacebook or Not to #DeleteFacebook? That Is Not the Question
- @anthonygarvan : “FYI: Facebook’s revenue is ~5/mo per US user currently. They would be severely gutting profits at $1 / mo.”
- @zeynep : “Folks, I want to emphasize it. We can change all this. It’s so early. The answer isn’t a retreat. There are healthier ways of seeking the conveniences and connectivity digital technologies allow. We need to forge ahead in new directions. It’s possible.… “
- Mozilla et la vie publique Facebook et vie privée : Mozilla maintient la pression avec vous
- @ACLU : “Facebook collects data about people who have never even opted in. But there are ways these non-users can protect themselves.”
- Et des gens partent de Facebook
- @VentureBeat : “Apple cofounder Steve Wozniak says he’s leaving Facebook over data policies https://t.co/dqWxbbSgWi by @horwitz”
- FranceInfo : La Caisse nationale d’assurance vieillesse ferme sa page Facebook pour “protéger les données de ses utilisateurs”
- RTL Info : 200.000 Belges ont supprimé leur compte Facebook: “C’est la première fois que cela arrive depuis la naissance de Facebook”
Facebook et nous
La quantité de données récoltées par Facebook et Google est incroyable
Parmi les nouvelles révélations sur l’étendue du problème Facebook, il y a le fait que sur Android, l’app récupère énormément de données : les coups de téléphones passés, les contacts (même ceux qui ont été supprimés), des SMS et des données annexes (date et heure, etc…) de l’activité du téléphone. Un journaliste de franceinfo, Vincent Matalon, témoigne : « Après une inspection plus poussée, je m’aperçois que les coordonnées des personnes que j’ai rencontrées ces deux dernières années manquent à la liste. Tout s’éclaire : alors que j’avais synchronisé les contacts de mon ancien téléphone avec l’application Facebook, j’avais pris soin de ne pas réactiver cette option avec mon nouvel appareil. »
Et puis bon, Facebook ne proposait pas qu’à Cambridge Analytica, mais tout utilisateur qui créait le moindre jeu à la con pouvait récupérer les données de ses utilisateurs et de ses amis, comme l’écrit le critique technologiste Ian Bogost.
Dans sa frénésie à tout collecter, Facebook aurait eu accès à des emails, d’après une lectrice du Guardian qui a eu la désagréable surprise de voir des publicités de pompes funèbres après le décès de sa mère, alors qu’elle n’en avait parlé que par email.
Outre la médiocre gestion des données, l’entreprise n’a pas l’air d’avoir d’éthique, ne supprimant pas des comptes qui ont une bonne raison d’être fermés (par exemple des personnes décédées). Il y a un problème dans la façon dont Facebook envisage ses rapports avec les êtres humains.
Pour ce qui est de Google, là aussi on découvre énormément de choses lorsqu’on télécharge et inspecte le contenu des données que Google sait de nous, comme le montre ce fil Twitter en 30 points et quelques.
- @dylanmckaynz : Downloaded my facebook data as a ZIP file Somehow it has my entire call history with my partner’s mum
- @franceinfo : Facebook a peut-être enregistré vos appels téléphoniques et vos SMS sans vous prévenir
- franceinfo : J’ai fouillé dans les données que j’ai envoyées à Facebook depuis onze ans (et le résultat m’a donné le vertige)
- Ars Technica : Facebook scraped call, text message data for years from Android phones
- The Atlantic : My Cow Game Extracted Your Facebook Data
- The Guardian - Letters : Did Facebook read my private emails?
- @joehanifNyan : Why we #DeleteFacebook
- @chrismize : Poking around the ad settings in my Facebook account. Under “Advertisers with your contact info”, for advertisers that I’m “on their customer list”: Some I recognize (I have a Best Buy website account), but some I’ve never heard of, or that I’ve never used (like Airbnb) 😳
- @jmnl : Tiens, puisque c’est la St Facebook, ma petite pierre à l’édifice
- @iamdylancurran : Want to freak yourself out? I’m gonna show just how much of your information the likes of Facebook and Google store about you without you even realising it
#DeleteFacebook et le rejet populaire de Facebook
En fait, on savait depuis longtemps que Facebook est mauvais pour nous. En 2014, on découvrait que Facebook faisait des expériences sur les émotions de ses utilisateurs. Le réseau social avait comparé l’évolution de l’émotion d’utilisateurs auxquels il était montré des news et statuts positifs ou négatifs—sans que les utilisateurs ne soient consentants—ni même au courant de l’expérience.
Le meilleur moyen de gagner à ce jeu-là avec Facebook, c’est de ne pas jouer, nous explique Rene Ritchie, journaliste technologique, en nous conseillant de supprimer son compte.
You can’t trust the company — who knows who will own or run them, at the executive or government level, at any given time? — and you absolutely can’t trust every single employee that can gain access to your personal data that they’ve harvested and hoarded. We’ve seen those types of abuses with everything from the NSA to Uber.
The only thing you can trust is a company not having your data, encrypting it end-to-end so even the company itself can’t get access to your data, or deleting your data as fast as possible because its business model doesn’t depend on exploiting your data over time.
— Rene Ritchie, iMore
Parmi ceux qui ont supprimé leur compte Facebook, on peut compter le cofondateur de WhatsApp (qui est devenu milliardaire quand le réseau social a racheté son app), et les entreprises SpaceX et Tesla—après qu’un utilisateur de Twitter a fait remarquer à Elon Musk qu’il y avait des pages Facebook pour ses compagnies.
N’ayant jamais tenté de supprimer mon compte du réseau social, j’ai appris que c’était plus compliqué que je ne le pensais. Facebook joue avec tes sentiments pour te faire rester : des photos de tes amis te sont présentées, des questions te sont posées, des dialogues te sont affichés pour te demander de rester… c’est de la manipulation pure et simple.
Pouvoir supprimer son compte, c’est un privilège, comme le note Safiya Noble, citée par Arwa Mahdawi dans le Guardian. “Pour beaucoup de gens, Facebook est une porte d’entrée importante vers l’internet. C’est même parfois la seule version de l’internet que certains connaissent, et ça a un rôle central dans nos manières de communiquer, de rassembler des communautés et de participer à la société en ligne.” Il n’y a pas d’équivalent direct à Facebook qui nous rappelle les anniversaires, qui nous connecte à nos proches qui sont loin, et qui héberge nos souvenirs communs des dix dernières années.
On peut toujours supprimer notre compte Facebook, mais ça n’empêchera pas notre ciblage par Facebook et d’autres, aussi bien en ligne qu’hors ligne. Un téléphone mobile est un outil de ciblage.
Et évidemment, même si on ne supprime pas tout de suite son compte Facebook, on peut toujours se déplacer vers les alternatives, comme Mastodon, qui vient de voir une vague de nouveaux arrivants.
- The Atlantic : Everything We Know About Facebook’s Secret Mood Manipulation Experiment
- franceinfo : Expérience de Facebook sur les émotions : la polémique en cinq actes
- iMore : Delete your Facebook
- The Guardian : WhatsApp co-founder joins call to #DeleteFacebook as fallout intensifies
- @TechCrunch : Elon Musk deletes own, SpaceX and Tesla Facebook pages after #deletefacebook
- Page Flows : How Facebook handles account deletions
- The Guardian : Facebook: is it time we all deleted our accounts?
- Washington Post : The new technology that aspires to #deleteFacebook for good
Changer nos habitudes, notre façon de voir le net
Il y a des moyens de se rendre compte des données qu’on partage : Data Selfie est particulièrement intéressant pour comprendre que chaque interaction avec le réseau social peut dire quelque chose sur nous. Mais Facebook n’est pas le seul coupable. Méfions-nous des entreprises qui ont le même business model et qui prétendent avoir une gestion plus éthique de nos données.
D’ailleurs, nos données, il serait bon qu’on se rende compte véritablement de leur valeur, et du fait qu’elles ne sont en aucun cas échangeable contre quelque service que ce soit, il n’y a pas de comparaison entre ce qui est généré sur notre dos et des services rendus (même si j’avais une phrase qui aurait pu être comprise dans ce sens-là dans mon précédent article). Il faut refuser de manière véhémente toute proposition de monnayer des services contre des données.
The real question is whether we are ready, collectively, to draw a line under surveillance capitalism itself, and start taking back a measure of control.
Scott Ludlam
Facebook nous donnait l’impression d’avoir changé les rapports de société, d’avoir décentralisé le pouvoir, et d’avoir des échanges d’égal à égal. Manque de bol, le scandale Cambridge Analytica fait voler cette conception en éclats.
Il va falloir qu’on commence à lire les conditions d’utilisation des apps qu’on utilise. Un projet comme TOS;DR est très intéressant pour ça : voilà l’analyse des conditions de Facebook : https://tosdr.org/#facebook. Facebook n’est pas seul. Par exemple, 82% des apps sur Android envoient des données à au moins un trackeur de publicités. Ces données sont ensuite vendues sur des sites spécialisés pour être utilisés… par qui ? pour quoi ? On ne sait jamais vraiment… mais c’est un business qui se compte en milliards de dollars à travers le monde.
Comme le fait remarquer le compte Twitter du projet Tor (dont le but est d’aider les internautes à protéger leurs données personnelles), c’est qu’on ne devrait pas être exploités lorsqu’on utilise Internet. Ça parait logique, mais on l’oublie un peu trop souvent.
Un lecteur de mon premier article m’a envoyé un lien vers un article du journal Usbek & Rica, qui propose de réquisitionner les GAFAM afin d’en faire des biens communs. L’idée repose sur le projet de contrer l’immensité de l’empire Google et son absence de concurrence en redistribuant mieux les profits et en ayant une gouvernance plus démocratique et éthique. Dommage, l’article ne parle pas des données et de leur gestion, et prend Google ou Facebook comme des fournisseurs de services et non comme des aspirateurs à données personnelles. L’idée d’une gouvernance par les communs est intéressante, mais on ne doit pas continuer à centraliser et à récolter des données, sous risque de voir le problème actuel se renouveler encore et encore.
- The Guardian Opinion : Don’t waste the Cambridge Analytica scandal: it’s a chance to take control of our data
- @NLaPalice : Et c’est pareil pour les données. La valeur des données ? Inestimable. Au sens propre. Rien ne justifie qu’on “possède” les données de qqun d’autre. Nos données sont nos données. Et Facebook ne nous les retire pas d’ailleurs, il les collecte et, souvent, les co-crée
- @laquadrature : .@mounir Mahjoubi : « mettre à disposition [nos données] contre de l’argent, pourquoi pas » Cette position s’oppose au #RGPD et aux positions de Parlement européen et des CNIL européennes, que Mahjoubi semble mettre de côté au nom du #BigDataMoney
- co.design : Want To Fight Back Against Facebook’s Algorithm? Check Out These Tools
- @laurakalbag It seems like a good day to mention that we should beware corporations who have the same business model as Facebook talking about ethics like they are somehow better.
- The Outline : Deleting Facebook? You’d better delete these accounts too
- @adriancolyer : 82% of mobile (Android) apps send PII to at least on ad tracking service, and many send to more than one. What data is being leaked and where does it go?
- @torproject : The problem is much bigger than Facebook. It’s the internet’s economic model. It’s the internet’s surveillance model. Communicating, sharing, and accessing information shouldn’t have to make you a commodity or target. You shouldn’t be exploited for using the internet.
- Usbek @ Rica : Pourquoi il faut réquisitionner les GAFAM
- The Guardian : The people owned the web, tech giants stole it. This is how we take it back
Les retombées
Deux choses sont claires. Chez Facebook ils sont au courant des problèmes depuis longtemps, et depuis longtemps ils s’en foutent.
Mise à jour du 27 mars :
The Intercept dévoile que l’ICE (force de police des douanes et de l’immigration) utilise des données de Facebook pour traquer les immigrants sans papiers. Cette force de police aux pratiques souvent décriées a tendance à s’affranchir des lois pour remplir sa mission, l’annonce de la collaboration avec Facebook va empirer l’image du réseau social auprès de la gauche américaine et des partisans de la légalisation des immigrants sans papiers. Suite à une rétractation de The Intercept peu après la publication de l’article, on apprend que l’ICE a utilisé des données de Facebook pour traquer un suspect criminel.
La Federal Trade Commission, la Commission Fédérale du Commerce, annonce l‘ouverture d’une enquête sur les pratiques de Facebook concernant la vie privée de ses utilisateurs. C’est ce genre d’enquête qui peut faire très mal au Surveillance Capitalism : elle aura lieu à l’écard lobbies de la Silicon Valley, et pourrait déboucher sur des lois et des réglementations strictes de protection des utilisateurs.
Les premières actions en justice commence à fleurir : dimanche, l’état de l’Illinois a porté plainte contre Facebook, Cambridge Analytica et SCL Group dont CA est une filiale. L’accusation décrit Facebook comme la plus massive opération d’exploration de données en existance ironie du sort, le jour même le réseau social admettait que des informations sur des appels et textos de certains utilisateurs avaient été enregistrées.
Face à toutes ces annonces, l’action Facebook a encore perdu plusieurs pourcents de sa valeur de la semaine du 16 mars, avant les révélations de Cambridge Analytica. On estime les pertes entre 8 % et 10 %.
Mise à jour du 28 mars :
Christopher Wylie, par qui le scandale est arrivé, a été entendu par le Parlement britannique. De ses réponses on peut noter l’histoire rocambolesque d’empoisonnement au Kenya de son prédécesseur, avec en prime des pots-de-vin à la police locale et tout un tas de détails dignes de films d’espionnage… mais ça n’est que des on-dits. En revanche, il a confirmé le rapprochement de l’entreprise Palantir, spécialisée dans la surveillance et le traitement big data, et dirigée par Peter Thiel, un milliardaire proche de l’alt-right américaine et de Donald Trump, dont il a financé la campagne. Palantir aurait aidé Cambridge Analytica sur le traitement des données utilisées dans les stratégies de propagande de CA.
Suite à l’invitation du Parlement britannique à Mark Zuckerberg, celui-ci ne répond qu’en envoyant deux émissaires pour défendre le réseau social. En revanche, le Zuck a répondu positivement à l’invitation du Congrès américain… là où les enjeux ne sont pas aussi élevés : beaucoup de lobbyistes à Washington travaillent pour Facebook et la Silicon Valley (où le Surveillance Capitalism est le principal business model), et un très grand nombre de politiciens ont eu des contributions de Facebook pour leurs campagnes électorales.
La pression sur Facebook ne se relâche pas, de plus en plus de journaux publient des opinions et des éditoriaux appelant à de nouvelles régulations concernant nos données personnelles. Les américains se rendent compte des progrès fait en la matière par l’Union Européenne, et comprennent que ça n’est pas l’ingérence Russe qui nous fait tiquer, mais qu’on n’apprécie pas forcément que nos données soient traitées et stockées en dehors de l’UE (surtout si ça enrichit des entreprises qui n’y paient que le minimum d’impôts via des montages financiers douteux). D’ailleurs, un sondage publié par Axios montre bien que les utilisateurs de Facebook ont perdu confiance dans la plate-forme, et ce bien plus rapidement que dans les autres réseaux sociaux.
Pour aider les internautes, Mozilla a développé une extension pour Firefox, qui permet de limiter la récupération de nos données par Facebook. Toutes nos interactions avec le réseau social se font dans un conteneur spécifique, et les autres conteneurs bloquent les contenus et identifiants de Facebook. À ce sujet, il faut savoir que le financement de Mozilla dépend en grande partie de Google, sous condition que Google soit le moteur de recherche par défaut de Firefox. J’attends avec impatience le même genre d’extension pour Google que pour Facebook, pour savoir si Mozilla veut réellement améliorer les choses.
Comme si ça ne suffisait pas, des groupes de lutte pour l’accès au logement aux États-Unis viennent de porter plainte contre Facebook : selon eux, et à la suite d’une enquête de l’organisation ProPublica en 2017, le réseau social permettrait de discriminer dans les annonces. En effet, le ciblage mis en place par Facebook pour son système de petites annonces donne la possibilité à un bailleur ou un propriétaire d’en interdire l’accès à des groupes légalement protégés : mères célibataires, personnes handicapées, hispanophones…
- reddit r/technology : I warned Mark Zuckerberg about the Cambridge Analytica-type flaw in April 2005. He ignored me.
- Engadget : Let’s stop pretending Facebook cares
- The Intercept : ICE Uses Facebook Data to Find and Track Suspects, Internal Emails Show
- @KenKlippenstein : “…”
- Federal Trade Commission : Statement by the Acting Director of FTC’s Bureau of Consumer Protection Regarding Reported Concerns about Facebook Privacy Practices
- Axios : Facebook is under federal investigation
- Ars Technica : Facebook accused of massive fraud in new lawsuit filed by Cook County
- NBC News : Facebook stock takes hit on FTC probe and news it records users’ call logs
- CNBC : Facebook stock slides after FTC launches data leak investigation
- Business Insider - Cambridge Analytica whistleblower claims predecessor was poisoned and police bribed
- @justinhendrix : Asked about other companies doing this work: PALANTIR. There were also Palantir staff working with Facebook data. Palantir staff came into the offices of CAMBRIDGE ANALYTICA and helped build the models we were working on, even though there was no contract, says @chrisinsilico
- @klustout “They are taking in all this data, sucking it up, offering it to advertisers without a lot of oversight.” - @JuliaAngwin on how it’s almost impossible to lock down our data on Facebook & why regulation is needed https://edition.cnn.com/videos/tv/2018/03/27/newsstream-facebook-data-privacy-stout-angwin.cnn ht @essipang
- Axios : Exclusive poll: Facebook favorability plunges
- Los Angeles Times : How Facebook exploited us all
- The Guardian : The Guardian view on surveillance: make your number unobtainable
- @zeynep : Wait! Facebook doesn’t sell people’s data. It profiles people based on extensive data collection and then sells people’s attention. CA got data because Facebook was giving it away—not selling. Pass a law saying Facebook can’t sell your data, and Zuckerberg will celebrate it.
@sarahjeong : I 100% believe that Americans are only flipping out about Facebook right now because of the Russian connection. Europeans aren’t intrinsically more privacy focused: people just don’t trust foreign companies with their data. - @verge : Firefox now isolates Facebook tracking so you don’t have to delete it https://www.theverge.com/2018/3/27/17167094/mozilla-firefox-facebook-container-tracker-blocker
- CNN Money : Mark Zuckerberg has decided to testify before Congress, sources say
- The Guardian : Zuckerberg’s refusal to testify before UK MPs ‘absolutely astonishing’
- @ProPublica : A new lawsuit alleges that the world’s largest social network still allows advertisers to discriminate against legally protected groups, including mothers, the disabled and Spanish-language speakers.
- FastCompany : Bad to worse: Now Facebook is being sued over housing discrimination
- The Conversation : Pourquoi vos données survivront à la suppression de votre compte Facebook et quels en sont les risques ?
La réaction de Facebook
lorsque des journalistes se sont présentés avec des preuves, Facebook les a menacés et accusés de diffamation. C’est seulement une fois acculé, au pied du mur, qu’il a daigné prendre position et annoncé qu’il suspendait Cambridge Analytica et consorts. C’est une approche très préoccupante en termes de transparence et de gestion des données personnelles.
— Sylvia Revello, Le Temps
La défense de Facebook reste sur la même ligne : c’est pas nous, c’est un méchant chercheur qui n’a pas supprimé les données qu’on lui a donné. Pas de remise en question de la quantité et du type de données transmises.
Un des présentateurs de Channel 4 News, la chaîne de télé qui a dévoilé le scoop de Cambridge Analytica, a même demandé à Mark Zuckerberg de lui accorder une interview. Mais le Zuck n’a rien répondu.
Une des réactions marquantes du réseau social, ça a été de masquer toutes leurs pages qui se vantaient de l’action de Facebook pour la démocratie et leur capacité à influencer des élections.
D’ailleurs, Facebook a toujours eu cette démarche de l’autruche, concernant les fuites de nos données. Après tout, ça leur donnait une excuse au cas où il y avait des problèmes légaux : s’ils ne savent rien, on peut moins leur reprocher. Depuis des années, les employés qui se posaient ces questions ont été évincés et forcés au silence, comme le raconte Sandy Parakilas au Guardian.
Au début, en 2009, Mark Zuckerberg avait bien promis à la BBC qu’ils ne vendaient pas leurs données à des tiers.
Ce week-end, plusieurs journaux américains et anglais affichaient une publicité pleine page, où Facebook, par la voix de Mark Zuckerberg, répétait des excuses et des promesses de faire mieux.
En même temps, Facebook est devant un dilemme : ou bien ils arrêtent de compiler des données sur les gens et abandonnent leur business model, ou bien ils continuent, et ils perdent une telle quantité d’utilisateurs qu’ils ne sont plus pertinents.
Ou bien ils ferment le réseau social.
- The Guardian : ‘A grand illusion’: seven days that shattered Facebook’s facade
- @Channel4News : Dear Mark Zuckerberg, from @JonSnowC4.
- The Intercept : Facebook Quietly Hid Webpages Bragging of Ability to Influence Elections
- Le Monde : « Facebook peut sortir indemne de cette affaire mais la pression politique est intense »
- Le Temps : «Facebook est désormais un puissant outil d’influence vendu au plus offrant»
- The Guardian : ’Utterly horrifying’: ex-Facebook insider says covert data harvesting was routine
- @pascalriche : Question: Facebook vendra-t-il les infos personnelles des internautes? Réponse : “No! Of course not.” (Mark Zuckerberg à la BBC en 2009)
- Bloomberg Businessweek : Mark Zuckerberg Has No Way Out of Facebook’s Quagmire
@lifewinning : The future of journalism is print newspapers supported by mea culpa ads purchased by the tech platforms running them into the ground
New York Times : How Calls for Privacy May Upend Business for Facebook and Google
La voie législative
Facebook ne souhaite pas être limité législativement. Ils aimeraient bien pouvoir gérer leur système dans leur coin, ça leur permettrait de continuer à récupérer toutes nos données.
Mais sinon, comment faire des règlements ?
Pourquoi pas, comme le propose la professeure de journalisme Emily Bell, tester toutes les règles qui nous viennent, et voir ce qui marche ?
Entre ce qu’on désire et ce que Facebook peut se permettre, il y a un monde de différence : une loi est passée aux US, le CLOUD Act, élaborée avec l’aide des lobbyistes de Facebook, qui va permettre à tout gouvernement d’accéder aux données personnelles hébergées sur le réseau social, sans avoir besoin d’un mandat. C’est l’une des pires nouvelles qui pouvait arriver, surtout dans les pays qui sont sous la botte d’un dictateur.
Il ne faudra pas oublier que le pouvoir appartient à ceux qui ont le plus de lobbyistes. Pour protéger nos intérêts et notre vie privée, il va falloir s’organiser et faire entendre notre voix.
- @aral : In other words, “we want self regulation.” Which is a synonym for no regulation. Ergo, same old, same old.
- @emilybell : ‘How would you regulate Facebook?’ . Well you could try with some interesting new regulatory models - just throw them out there and apply them . If they work scale them …if not iterate (!)
- The Daily Beast : New Facebook-Backed Law Would Let Foreign Governments Get Your Data Without a Warrant
- AlterNet : Facebook Turned Our Economy Into a Spying Operation
Les retombées politiques
C’est maintenant prouvé, Cambridge Analytica a utilisé des données récupérées auprès de Facebook dans la campagne pro-Trump, ce qui a valu à l’entreprise une perquisition de 7 heures. Mais les dernières révélations concernent plutôt le Brexit : en effet, Cambridge Analytica, ainsi que d’autres entreprises, ont été financées par des proches de la campagne Leave pour tenter d’influencer le débat. La campagne favorable au Brexit aurait fait des dépenses illégales, d’après un lanceur d’alerte qui aurait y travaillé.
Reste à savoir si ces données ont été utiles dans les différentes campagnes, et quelle est la part de vantardise de la part de Cambridge Analytica.
Pour ce qui est de la campagne du Brexit, l’illégalité dépasse l’usage de Cambridge Analytica étant donné que ça concerne le financement de la campagne et la destruction de preuves.
Évidemment il y a beaucoup d’appels à réguler Facebook, mais qui sait à quoi ça va mener ?
- The Guardian : Leaked: Cambridge Analytica’s blueprint for Trump victory
- The Guardian : Investigators complete seven-hour Cambridge Analytica HQ search
The Brexit whistleblower: ‘Not cheating is the core of what it means to be British’ – video | Politics | The Guardian - @Channel4News : ““We’re going on a path of Brexit based on lies, based on cheating, based on essentially a scam” Brexit insider accuses Vote Leave of cheating…in response the PM’s political secretary denies the claims and “outs” the accuser as gay #TheBrexitWhistleblower”
- @carolecadwalla: Money, data, influence: how the Brexit campaigns link up
- @carolecadwalla : It’s not the crime, it’s the cover-up… Watch this incredible video. Vote Leave’s senior director deletes herself, Dom Cummings & @HZoete from BeLeave’s shared drive
- @Faskil : The Cambridge Analytica scandal puts a spotlight on the Brexit vote
- BuzzFeed News : We Beat Mark Zuckerberg In Hawaii, And We Can Beat Him In Washington
Le double jeu hypocrite de la presse
Il est d’ailleurs assez amusant de voir de nombreux sites de presse s’alarmer de la fuite de données d’internautes, alors qu’ils sont eux-mêmes un dispositif de récolte massive à travers la publicité programmatique.
— David Legrand, NextImpact
La publicité programmatique, c’est simple : lorsque tu charges une page de journal en ligne, des scripts vont récupérer des données sur toi (adresse IP, caractéristiques du navigateur), et les partager sur des plate-formes spécialisées, les data brokers, où il sera fait une enchère entre les différentes plate-formes de publicités, pour savoir qui affichera une pub sur ton navigateur.
La plupart des journaux n’utilisent le journalisme que pour placer des publicités devant les yeux de leurs lecteurs. En France, Mediapart, NextImpact ou Le Canard Enchaîné sont de trop rares exemples d’une presse qui ne dépend pas de la revente des données de leurs clients, et donc qui serait justifiée dans des critiques de Facebook, Google et du Surveillance Capitalism. (Mais à l’heure où j’écris ça, une visite Mediapart charge une dizaine de mouchards, une visite sur Next Impact n’en charge pas, et pour Le Canard Enchaîné il n’y a que mon marchand de journaux qui me connaît, et encore, seulement de vue.)
Irony Alert: the same is true for the Times, along with every other publication that lives off adtech: tracking-based advertising. These pubs don’t just open the kimonos of their readers. They treat them as naked beings with necks bared to vampires ravenous for the blood of personal data, all ostensibly so those persons can be served with “interest-based” advertising.
— Doc Searls
Le conseil du designer Oliver Reichenstein, c’est que les journalistes, au lieu d’écrire des articles sur les méfaits de Facebook, devraient demander à leur rédaction d’enlever le bouton de partage, le mouchard de tracking etc., ça convaincrait beaucoup mieux les lecteurs, et ça montrerait à Facebook qu’on n’est plus dupes. Après tout, qu’est-ce qui retient les lecteurs de supprimer leurs comptes et abonnements à des sites de presse qui refilent des mouchards à n’en plus finir ?
D’ailleurs, sur ce carnet web il n’y a plus de bouton de partage, il n’y a qu’un script de statistiques hébergé sur un server personnel, qui respecte les directives « do not track » et qui ne laisse pas de cookie : @joachimessque.
- NextImpact : Exploitation de nos données : quand le sage pointe le problème, l’idiot ne regarde que Facebook
- @johnnyryan : Every single big website in the world is leaking data in a similar way, through “RTB bid requests” for online behavioural advertising #adtech.
- @aral : Publications like Wired & The Guardian are finally forcefully criticising the business model of Facebook, Google, etc. The elephant in the room is they have the exact same business model: they make money by exposing their readers to tracking/profiling. #SurveillanceCapitalism
- @sheynk : Publishers don’t care either @violetblue … your article is on @engadget - which promptly sends data to @Facebook I bet @aral is getting a kick out of all the publishers turning the hypocrisy knob to 11 with all the faux outrage
- Doc Searls : Facebook’s Cambridge Analytica problems are nothing compared to what’s coming for all of online publishing
- @Reichenstein : So, next time, before you write a piece about the Facebook surveillance machine, maybe ask your marketing department if you can get rid of that like button, the pixel, and that share thing—it’ll more believable to your readers, and it will send a stronger message to fb, for sure.
- @baekdal : To put it bluntly. When I today see newspapers publish articles about how people should ‘delete their Facebook accounts’, ask yourself this: What reason would people have for not also deleting their newspaper accounts if you have 58 trackers on your site?
Vers quoi se dirige-t-on ?
L’idée, c’est que tout le monde puisse héberger ses contenus soi-même. C’était la promesse initiale du Web.
Déjà prévu il y a dix ans, le Do Not Track est un moyen de déclarer à un site web qu’on visite « ne nous piste pas ! » Ce réglage, longtemps caché dans les préférences des navigateurs—surtout Chrome—a été enclenché par défaut chez Safari puis Firefox, et enfin Chrome. C’était un des moyens pensés pour limiter la fuite de données personnelles, mais il est très peu respecté : certains sites comme Medium affichent une bannière qui dit « Je sais que tu as DNT [Do Not Track] activé, mais on va quand même enregistrer des informations sur ton passage ».
En tous cas, la solution technologique de base, qui consisterait à restreindre la circulation des données de Facebook est une fausse bonne idée ; c’est une erreur de correction d’erreur que de ne pas penser aux causes du problème, et juste à vouloir corriger les conséquences YouTube et Twitter sont aussi coupables de ce biais.
Dans une tribune de Libération, le chercheur Olivier Ertzscheid analyse l’impact politique de l’existence même de Facebook.
Croire que cette affaire sera un éclair de lucidité dans l’opinion et permettra une prise de conscience accrue des enjeux posés par une plateforme privée rassemblant deux milliards d’utilisateurs sur un modèle économique de régie publicitaire est une chose. Imaginer que cela impactera les comportements de ces mêmes utilisateurs en est une autre.
— Olivier Ertzscheid, entretien dans Libération
Le ver est dans la pomme, en somme : ce qui nous enchaîne à Facebook, et Google, et tout ça, c’est la tyrannie de la commodité. Lorsque nous laissons la commodité décider de tout, nous nous abandonnons trop, d’après le juriste américain Tim Wu. Le format et les conventions de Facebook nous dépouillent de toutes les expressions d’individualité, à l’exception des plus superficielles, comme la photo particulière d’une plage ou d’une chaîne de montagnes que nous choisissons comme image de fond. Au final, quels sont les problèmes que la technologie (via Facebook) répond ; est-ce que ces problèmes n’ont pas été inventés par Facebook uniquement pour déployer des solutions technologiques contre lesquelles les utilisateurs deviennent tous similaires et tous perdants ?
La juriste et philosophe belge Antoinette Rouvroy y remet une couche :
Le monde du web est opaque. En soi, recueillir des informations est déjà une tromperie. C’est la présence des tiers qui utilisent la plateforme pour proposer d’autres services qui pose problème. Par exemple, vous répondez à un questionnaire “à quel personnage de ‘la guerre des étoiles’ ressemblez-vous?”, mais vous ignorez que ces données vont ensuite être utilisées. L’autre problème, c’est qu’on a l’impression de participer à une communauté alors qu’en réalité, il n’y a pas d’échange. Tout le monde est seul devant son écran. Facebook n’est pas un espace public. On assiste à une hypertrophie de la sphère privée qui se caractérise paradoxalement par une dépersonnalisation. La prise de conscience collective ne peut pas se produire.
— Antoinette Rouvroy, entretien dans L’Écho
J’ajouterais même que cette prise de conscience collective, qui doit se passer en partie avec nos contacts sur Facebook, n’est évidemment pas souhaitée par Facebook—d’où les modifications d’algorithmes pour pénaliser les contenus trop critiques. Facebook n’est pas pensé pour des humains, c’est seulement pensé pour faire de nous beaucoup moins, pour tailler ce qui dépasse et cultiver ceux qui restent (en leur donnant de quoi réagir) pour récolter des données (pour donner aux publicitaires de quoi placer encore plus de distraction).
Je ne sais pas trop où on se dirige, mais je sais que dès que j’aurai arrêté Facebook et supprimé mon compte, il y a des contacts qui vont m’oublier définitivement parce que je ne serai plus dans leurs listes. Ceux-là me manqueront sans doute un peu. Heureusement il y aura les autres, avec qui je continuerai à discuter via d’autres moyens, décentralisés et sécurisés.
- Anil Dash : The Missing Building Blocks of the Web
- @ashk4n : I wonder if we’re going to see a resurgence of ‘Do Not Track’ as a result of this. It was, after all, initially conceived as a standardize way for consumers to provide/revoke consent for tracking.
- InternetActu : La tyrannie de la commodité
@natashanyt : So when Facebook announces that it is going to reduce third-party access to user data, instead of fundamentally rethinking the company’s mass collection, sharing and retention of people’s personal details, that’s error-correction error. - @halhod : When we ask FB what it is doing with “our data”, we massively let it off the hook. The question is what is FB doing with data about us. None of that backend data is “yours”, any more than the pattern of air molecules you trail as you walk through town is “yours”
- Libération : Le scandale Facebook pose avant tout une question politique
- L’Écho : Antoinette Rouvroy: À mon sens, Zuckerberg est dépassé
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