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🪄 Lister ses souhaits

Ça y est les fêtes de fin d’année et les étrennes sont passées. Pendant la période on s’offre des cadeaux, c’est sympa. Ce billet va parler de cadeaux. Ceux qu’on désire, ceux qu’on fait, ceux qu’on reçoit, ceux qui plaisent, et les autres.

En octobre ou novembre dernier, je suis tombé sur le Wish manifesto, par Taylor. Sur cette page il liste des raisons pour dresser une liste de souhaits, et la partager. Elle commence par la section suivante :

Les listes de souhaits sont bonnes pour l’âme

Décider ce que tu souhaites, c’est décider de qui tu veux devenir.

Une liste de souhaits honnête dévoile tes valeurs, tes motivations et tes désirs.

Partager une liste de souhaits donne aux gens l’opportunité d’une connexion avec toi. De cette liste, iels peuvent en déduire des passions et des objectifs, ou même parfois des insécurités. Iels peuvent rapidement trouver un point commun avec toi. Iels peuvent offrir des suggestions et du soutien.

Cette ouverture, peut-être un peu grandiloquente, est suivie par des arguments et conseils plus terre-à-terre. Faire une liste de souhaits est bon pour l’environnement (pas de cadeaux gâchés), pour le portefeuille (c’est plus facile de résister à une impulsion et de prévoir un achat). Puis comment publier une liste de souhaits, comment la remplir, comment refuser gracieusement un mauvais cadeau, et comment offrir sans souci.

J’aime bien faire des cadeaux aux proches et aux gens qui me rendent des services. Et une partie de mon intérêt vient de la recherche du cadeau qui fera plaisir. Mais ça, c’est limité par la connaissance qu’on a de la personne, de mes moyens, et tout ça. Donc ouais, une liste de souhaits, c’est pertinent. C’est aussi un problème que j’ai eu dans l’autre sens : si tu ne dis pas à tes proches ce qui te ferait plaisir, c’est plus dur pour elleux et il y a des chances que tu n’aimeras pas ce qu’on t’offre. Sans liste établie et partageable je peux avoir du mal à me souvenir de ce que je désire, même si je sais que j’ai plein d’envies.

En fait, par deux fois ces dernières années j’ai réfléchi à créer une app web de liste de souhait. C’était pour compléter le petit outil de tirage de “père-noël secret” à usage familial que j’avais fait il y a plusieurs années ; pour résoudre le problème du destinataire qu’on connaît peu, tout le monde a une liste, et c’est cool. Au vu de ce qui existe (Listy, etc.), le retard aurait été dur à rattraper pour un outil qui n’aurait même peut-être pas été utilisé par les membres de ma famille.

L’autre jour j’ai lancé aux ami·es du Fediverse une question ouverte sur le sujet des listes de souhaits. J’ai eu plus de réponses que ce à quoi je m’attendais, c’est sympa de découvrir les usages d’autres gens.

L’usage principal, c’est la liste à destination personnelle. Qu’elle soit maintenue dans un logiciel de notes, dans une app de listes, ou sur une page web, c’est avant tout pour se rappeler de ce qu’on n’a pas encore. Parfois ça marche pas (il faut penser à retirer les éléments achetés), mais c’est un usage que j’ai aussi depuis que je me suis rendu compte du problème cité plus haut.

Les listes personnelles que j’ai pu faire à travers les années sont remplies de dépenses que je ne peux pas justifier tout de suite. Une partie de ces souhaits passe par un délai d’un mois – si j’ai repensé à cet achat pendant le délai, je le fais dès que mes moyens me le permettent. Il y a aussi les souhaits qui ne sont pas justifiés du tout pour une raison sans rapport avec le prix mais peut-être trop frivoles ; parfois l’excuse de la frivolité ne tient pas si c’est un cadeau reçu… donc autant le mettre dans la liste.

Une amie m’a raconté une habitude qu’elle a avec un très bon ami : tous les ans, les deux se mettent d’accord sur un prix, puis s’échangent une liste très précise de un à trois souhaits qui correspondent à ce prix, pour offrir à l’autre un cadeau qui lui fera plaisir. Pour elle, ça tombe absolument dans cette utilité de la liste pour noter les choses trop frivoles à justifier, mais qu’elle sait qu’elle pourra recevoir en cadeau.

Dans les réponses qui m’ont été faites, le partage des listes est le plus souvent pour une occasion spécifique (noël qui approche, anniversaire…) et ne reste pas dans la mémoire des gens. Ça peut être à la demande des gens qui offrent, ou à la proposition de l’auteur·ice de la liste et dans ce cas il y a le risque que le partage sera inutile. Il faudrait d’ailleurs que j’enquête sur la motivation des gens qui choisissent d’offrir un cadeau en dehors d’une liste, ou les gens qui sélectionnent un cadeau spécifique pour des raisons très personnelles… un exemple que j’ai en tête c’est une personne qui m’a offert une platine vinyle (que je désirais depuis des années) histoire de récupérer celle que j’avais jusque-là (et qui était de mauvaise qualité, cadeau empoisonné découvert plus tard).

C’est pas mal quand une boutique de vente en ligne ou une plate-forme de collection permet de gérer des listes thématiques : j’ai bien une liste sur Discogs, une liste itch.io, une sur Bandcamp qui regroupe surtout des albums que je souhaite écouter avant d’acheter (étant donné que Bandcamp ne permet la création que d’une seule liste on ne peut pas séparer les albums à écouter plus tard, et ceux qui nous intéressent vraiment).


Avec toutes ces réflexions, j’ai commencé à consolider une liste de souhaits à partager, à partir de mes rappels à 30 jours et de mes diverses notes et post-its. J’ai envie de la rendre publique, mais ça n’est pas sans hésitations. Les hésitations ne sont pas au niveau du contenu de la liste, mais plutôt au niveau de l’intention. Le rapport aux choses, aux objets, aux trucs. Je critique la surconsommation et je surveille ma propre consommation, mais pourtant je veux des choses ? Quelle inconscience, quelle hypocrisie ! Je me dis de gauche anticapitaliste mais je publie au vu de tous mes désirs petit-bourgeois de décorer l’endroit où je vis ? Social-traître !
Évidemment, c’est dans ma tête.

Et puis une liste de souhaits n’est pas un appel caché à me faire des cadeaux. Souhaiter posséder des choses est humain. Cette page ne veut pas dire que je voudrais tout recevoir tout de suite – je n’apprécierais rien si je possédais tout – mais que je pourrais m’offrir des choses de la liste, si ça devenait pertinent dans ma vie et que la dépense était justifiée.
En fait, le but est un peu de lister ce dont je ne peux pas justifier la dépense, mais qui, s’il apparaissait sur le pas de ma porte, me ferait plaisir.

C’est aussi pour ça (et je l’ai volé à l’exemple de la liste de Taylor, accessible via le premier lien partagé en haut de l’article) que j’ai commencé la liste par une sorte de médiation, de négociation, en listant des causes (ONG, etc.) qui ont besoin d’argent. Si tu veux dépenser du fric pour moi, déjà il y a pas que le matériel qui me fait plaisir.

Ma liste de souhaits

De toute façon, dans le doute on peut toujours s’offrir des chaussettes.



On en discute ?…